 Kommentaar | | | Pour une histoire récente du quartier du Grognon
Ce nom quelque peu insolite a été donné il y a longtemps par les Namurois à ce triangle de terre situé au confluent de la Meuse et de la Sambre. C’est là qu’est née la ville ; c’est là qu’elle a connu ses plus anciens développements. Autrefois densément peuplé, théâtre d’une activité commerciale intense liée au trafic fluvial, ce quartier a connu au cours du siècle passé de profonds bouleversements urbanistiques avant de disparaître définitivement sous la pioche des démolisseurs en 1972.
Depuis lors d’interminables débats ont été menés à propos de la destination qu’il conviendrait de donner à ce vaste espace désormais désert qui crée un vide peu harmonieux dans le tissu urbain. Les projets de réhabilitation du site n’ont pas manqué, le plus spectaculaire étant la construction d’un vaste complexe architectural pour le parlement wallon. Depuis la démolition, rien n’a été réalisé si ce n’est des aménagements routiers au pied de la citadelle et, plus récemment, une campagne de fouilles qui a mis au jour d’intéressants vestiges archéologiques, témoins de l’ancienneté de l’occupation humaine en ces lieux. Actuellement, la question reste sans réponse et le Grognon attend toujours une nouvelle affectation.
Le propos de l’ouvrage qu’a réalisé Vincent Bruch n’est pas de refaire l’histoire de ces débats qui sont loin d’être clos. La recherche qu’il a menée s’arrête au moment où la décision de démolir le Grognon a été prise. En revanche, il a rassemblé une série impressionnante d’informations qui lui ont permis de suivre pas à pas les transformations progressives du quartier depuis le XIXe siècle. Le plus grand mérite de son ouvrage réside dans l’utilisation critique d’une abondante iconographie photographique tout à fait originale qui éclaire admirablement le propos. L’analyse des étapes de cette histoire récente s’appuie sur un examen attentif des clichés. La qualité technique souvent exceptionnelle de ceux-ci permet aussi à l’auteur d’agrandir certains détails et de pénétrer en quelque sorte à l’intérieur des ruelles qui formaient ce quartier.
L’utilisation conjointe des sources traditionnelles et des images photographiques confère à ce livre une très grande originalité tout en faisant de lui un ouvrage de référence. L’auteur a ainsi rempli sans défaut la tâche de l’historien : sans s’ériger en juge des erreurs du passé et en se refusant de parler d’une actualité toujours brûlante, il a apporté ici un matériau historique de choix qui permettra peut-être à ceux qui décideront un jour de l’avenir du Grognon de le faire en toute connaissance de cause.
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